source : liste des Philimag (téléchargeables), éd. Grammes
à l’occasion de la sortie de Lanfeust de Troy - Chapitre premier : Evilhëne
Bonjour, pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?
Christophe : Salut, je suis Christophe, l’un des créateurs et associés de la maison d'édition de jeux de société Oka Luda. J’ai participé à l’aventure Lanfeust en tant que chef de projet. Après la rencontre avec Arleston/Tarquin, les créateurs de la célèbre bd Lanfeust de Troy, pour valider l’idée, j’étais présent à chaque étape. Que ce soit sur les mécaniques, les illustrations, les graphismes, la recherche et le choix des matériaux, la fabrication, pour finir par la commercialisation. Un boulot d’éditeur !
Nathalie & Rémi : Bonjour, nous sommes auteurs depuis une dizaine d'années maintenant. On a découvert les jeux grâce à un couple d'amis qui nous ont emmenés un soir dans une association proche de chez nous. Nous sommes accros aux rencontres ludiques, que ce soit avec les professionnels (on aime autant les rencontres d'auteurs, faire des journées en boutiques ou des soirées dans les bars à jeux, bosser avec les éditeurs, passer nos vacances avec des animateurs...), ou surtout avec les joueurs. Les éclats de rire ou la prise de tête sur une mécanique, ou l'aventure, l'important c'est l'expérience que l'on va faire vivre aux joueurs qui nous fait vibrer.
Arleston : Je suis Christophe Arleston, créateur et scénariste depuis 1994 de la bande dessinée Lanfeust de Troy et de différentes œuvres liées au même univers, comme Trolls de Troy ou Les Conquérants de Troy. L’univers de Troy représente près de 70 albums de BD sur les 250 que j’ai écrits, et cumule à lui seul plus de 12 millions d’exemplaires vendus. J’ai été 20 ans rédacteur en chef du mensuel Lanfeust Mag, et aujourd’hui, en plus de mes activités de scénariste, je suis directeur éditorial de la maison d’édition Drakoo.
Pouvez-vous nous parler des intervenants impliqués dans le jeu de société Lanfeust de Troy – Chapitre premier : Evilhëne ?
Christophe : Pendant des heures ! (rires) Toute l’équipe est au top ! Je recommence demain les yeux fermés, d’ailleurs je ne veux pas spoiler mais le sous-titre commence par « Chapitre Premier »... Oka Luda a eu de la chance à chaque étape du projet. Notamment pour réunir une équipe de graphistes et infographistes avec Guillaume Tavernier, Violaine et Nicolas, relecteurs avec Virginie et Ben Le Puzzle, illustrateurs et auteurs avec les teams Nathalie & Rémi Saunier et Christophe Arleston & Didier Tarquin, le projet s’est déroulé à merveille ! Chacun motivé, car dès le début tout le monde y croyait vraiment et malgré les sacrifices que cela pouvait impliquer, ils répondaient présent à chaque heure du jour ou de la nuit !
Rémi : C’est Christophe qui a été en contact avec les auteurs de la BD, mais rien n’aurait été possible sans le contact donné par Ericka et Pierrot de KYF edition. De notre côté, c’est toujours grâce aux testeurs sur les festivals mais aussi à nos fidèles de l’association Tas de beaux jeux, proche de chez nous, les auteurs du CAJO et beaucoup grâce à David Berthelot pour les retours de game design et la relecture de règles. Et nous sommes ravis que Oka Luda ait validé notre souhait de travailler avec Guillaume Tavernier dont on aime beaucoup le travail et qui a eu la gentillesse d’accepter de dessiner toutes les maps et les éléments du jeu. Enfin, mes chats qui m’ont tenu compagnie la nuit pour que je ne m’endorme pas sur le premier chapitre.
Christophe Arleston, pouvez-vous nous parler de votre rôle et de votre expérience en tant que scénariste sur le jeu Lanfeust de Troy – Chapitre premier : Evilhëne ?
Pour commencer, je dois dire que je suis désormais méfiant car il y a eu par le passé des utilisations de la licence Lanfeust dans divers domaines, dessin animé ou jeu vidéo, pour lesquels j’ai été très déçu du résultat final. Mais là, un ami commun Pierô, m’a mis en contact avec Oka Luda en me disant que je pouvais avoir confiance, et m’a fait tester les prototypes : j’ai tout de suite eu une très bonne sensation ludique.
Il y a un système de jeu simple et malin, ce qu’on me présentait était avant tout un bon jeu, habillé ou non aux couleurs de Lanfeust. Je suis assez joueur de jeux de société de nature, et le jeu m’a convaincu, j’étais ravi, et on a signé. Par la suite, j'ai surtout servi de lien entre la création du jeu des auteurs Nathalie & Rémi, l'ergonomie graphique et mon univers. Ils ont créé l'histoire qui se passe entre le tome 2 et 3 de la première série Lanfeust de Troy et je me suis contenté de vérifier la cohérence du contenu historique et que les dialogues des héros collent avec leur personnalité.
Et à l’arrivée je suis aussi assez admiratif du travail qualitatif sur l’édition du jeu, je trouve que pour son prix il y a vraiment du beau matériel dans la boite. D’autant que Didier Tarquin a pris le temps de faire une illustration inédite pour la boite, avec la même efficacité qu’il a pour les couvertures d’album !
Acte 1 : de l'idée au prototype
Christophe : Tout commence dans une bourgade, Parthenay, lors du Flip 2021, Nathalie et Rémi avaient retravaillé un concept de jeu qu’ils nous avaient présenté quelques mois auparavant, les fameux 4 dés qui composent des formes à la Tetris. Nous étions fans, mais il manquait un fond. Et c’est lors de ce Flip que Rémi nous dit « Le fond, ce sera de l’exploration de Donjons pour gagner des points d’expérience ! ». D’un commun accord, Miguel (autre associé Oka Luda) et moi avons crié « GÉNIAL ! ». On a signé le contrat dans la foulée. Le projet était lancé... Par rapport au mécanisme général de semi-coop, mais chacun pour soi, l’univers et les personnages de Lanfeust se sont imposés à nous. Il restait à finaliser un prototype et à obtenir la validation d’Arleston et Tarquin.
Nathalie & Rémi : Quelques années auparavant... L’idée première du jeu était de réaliser une forme à la Tetris avec des dés et de s’en servir pour créer une façade de rue. Les joueurs devaient prendre la majorité des lignes et des colonnes créées. Plus tard, en gardant le principe des dés, on est partis sur un roll and write avec différentes grilles. Toujours à explorer de nouvelles idées et le côté rôliste de Rémi aidant, a été imaginé un donjon que chaque personnage devrait explorer, nous avons
réalisé cette version avec les personnages du Donjon de Naheulbeuk et c’est cette version que l’équipe Oka Luda a préférée. Il ne restait plus qu’à trouver le thème idéal, et Lanfeust est arrivé.
Acte 2 : du prototype à l’édition
Christophe : « Ah enfin ! On nous propose un vrai jeu dans notre univers ! » dixit Arleston. À partir de cette réflexion hyper motivante, toute l’équipe a travaillé d’arrache-pied pendant quatre mois pour obtenir un prototype présentable à notre distributeur. Malgré quelques imperfections, il nous a fait confiance et nous a encouragés à aller de l’avant en promettant de le pousser auprès des boutiques ! Quatre mois de plus avec des nuits blanches pour arriver au jeu fini. Surtout qu'entre-temps, les auteurs Nathalie & Rémi ont eu la fabuleuse idée d’un livret d’aventure. Oui le jeu ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui sans de multiples idées, conservées ou abandonnées, justifiées ou non, des aller-retour incessants entre les différents acteurs du projet !
Nathalie & Rémi : Quand l’éditeur a pris le proto du Donjon, ils avaient déjà l’idée d’une licence. Au Flip 2022, Chris nous demande si l’on connaît Lanfeust de Troy, Nathalie ne connaissait pas, Rémi un peu, on avait 3 Lanfeust Mag à la maison... Chris nous annonce alors qu'il a la possibilité, via Pierô et Ericka, de montrer un proto de Lanfeust à Christophe Arleston. On se met au travail pour adapter notre proto à l'univers, il doit être finalisé pour le festival d’Orléans où Chris le découvre et le valide. 15 jours après, on fait jouer Pierô et Ericka lors du festival de Vichy où eux aussi, sont séduits. Ils prennent le proto et la semaine suivante, ont la gentillesse de faire jouer Arleston.
Acte 3 : de l’édition à la sortie en boutique
Christophe : Une fois dans les tuyaux du fabricant, la pression redescend un peu, mais la tension reste présente ! Il nous faut encore préparer le marketing, les communications, le présenter aux joueurs des différents festivals, rapatrier des boîtes presse et planifier les vidéos de règles et présentations ! Pour cela, jamais avares de faire des efforts, les auteurs ont proposé de créer une mini aventure « L’art de régner ». Jouable en 1h30, avec le matériel de la boite, afin de permettre aux influenceurs, boutiques et autres concernés de découvrir l’immersion dans l'univers Lanfeust de Troy (la bd) au travers de l’aventure sans se spoiler l’aventure du Chapitre premier : Evilhëne. Mini aventure qui est téléchargeable gratuitement sur notre site internet okaluda.fr ! De plus, nous proposons, pendant le mois de décembre, la possibilité pour chacun de créer ses propres histoires, de nous les soumettre sur la communauté, pour les rendre accessibles en téléchargement sur notre site par la suite ! Des heures et des heures d’aventures en perspective !
Nathalie : Lorsqu’on a vu le prototype final fait par Oka Luda on était vraiment super contents ! Arriver à sortir un jeu à ce prix avec un chouette matériel était un défi et ils l’ont réussi. C’est toujours un immense stress la sortie d’un jeu, et celui-ci ne déroge pas à la règle surtout dans les délais et avec la pression qu’on a eue ! Mais au final, il est là, il semble plaire, et on a à nouveau ce plaisir de voir les gens se marrer en jouant et ça c’est super. On a eu la chance de pouvoir le faire jouer lors de notre festival local en avant-première et ça a été un franc succès tant en mode libre qu’en mode aventure (l’aventure supplémentaire que Rémi a imaginée pour les animations plait beaucoup) et les premières animations boutiques sont formidables, et on en a programmé « quelques-unes » d’ici la fin de l’année.
Quelles sont les particularités auxquelles vous avez été confrontés en ce qui concerne l’adaptation de la bande dessinée en jeu de société ?
Christophe : Amateur de bds tout autant que de jeux de société depuis mon plus jeune âge, je pense que les deux milieux sont très poreux. Le public peut être le même sans difficulté, puisque dans les deux cas nous avons un univers qui est propre à l'œuvre ! Un léger effort d’adaptation pour conserver le maximum de cohérence entre les deux, éviter les pièges de la facilité comme trop souvent dans l’application de licence sur n’importe quoi pour des raisons spéculatives. Et le tour est joué, pour le bonheur des créateurs du premier univers, pour les développeurs qui adaptent, et pour le public fan qui prolonge son expérience et accompagne ses héros en les incarnant en vrai, que de la joie !
Nathalie : Au tout début de l’accord de la licence, Rémi s’est plongé dans la lecture de toutes les BD. Dans les premiers jours, Rémi me dit que Cixi va passer par là pour ouvrir le chemin. « Et quoi ? Pourquoi ? ». Par manque de temps entre travail et weekends à courir partout, je ne les ai pas lus tout de suite, et tant mieux ! Cela m’a permis d’être le garde-fou (et c’est rien de le dire) dans les centaines d’échanges entre Rémi et l’éditeur. On ne pouvait pas faire un jeu uniquement pour les fans de Lanfeust et risquer que les joueurs n’y trouvent pas leur plaisir. A contrario, Rémi devait absolument faire en sorte que le fan puisse retrouver tout ce qu’il aime tant avec les héros. On a avancé à petits pas pour ne pas tomber dans la facilité ni commettre d’erreurs.
Racontez-nous une anecdote marquante qui vous est arrivée durant le développement du jeu.
Christophe : Il y en a plein, mais celle-ci tient pour moi le dessus du panier ! On en était à se dire, bon on a l’idée de Lanfeust, mais comment rencontrer les décideurs de la licence et les convaincre de nous faire confiance ? La première personne à qui j’en parle, Ericka, me dit « C’est génial comme jeu, ça va plaire à Tof ! ». Et elle m’explique qu’elle est amie avec Christophe « Tof » Arleston, ayant travaillé avec lui et étant sa voisine avec qui elle joue régulièrement à des jeux de société. Un SMS de sa part et c’était enclenché ! Quand le karma s’en mêle, tout est plus simple !
Rémi : Nous avons fait le prototype avec Lanfeust, Cixi, Hébus et Or-Azur comme personnages jouables. Or en relisant les BD, un détail me chiffonne et je me replonge dans la lecture des tomes 2 et 3, parce que nous avons décidé que l’histoire se passerait sur une île entre ces deux tomes-là. En pleine lecture, je réalise que le chevalier Or-Azur n’a pas encore rejoint les héros donc qu’il ne peut pas être présent. Après une discussion animée avec Chris, je décide de ne pas utiliser le personnage d’Or-Azur, mais par qui le remplacer ? Chris est plutôt pour C’ian pour qu’il y ait une parité homme/femme, alors que je soutiens Nicolède qui est plus âgé mais qui, me semble-t-il, fait un bien meilleur héros que sa fille qui a peur de tout. Après de nouvelles discussions, Chris se range à mon choix et je crée la fiche personnage de Nicolède et lui donne aussi un pouvoir de feu qui lui vient de sa capacité à fabriquer des grenades.