bloc-notes public de Marc Auer

Notes persos, traductions, copies de secours… (vraiment) en vrac !

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à l’occasion de l’attribution à Trio de l’ As d’or - Jeu de l’année 2024 (catégorie principale)


Bonjour Laura, pouvez-vous vous présenter en quelques mots et nous parler de votre parcours en tant qu’illustratrice ?

Bonjour ! Pour tout vous dire, je suis avant tout la graphiste de Cocktail Games. J’occupe ce poste depuis 9 ans. Cela fait quelques temps maintenant que je m’occupe du design graphique de pas mal de jeux pour Cocktail. J’ai commencé en relookant Hanabi, puis j’ai travaillé sur Top Ten. Mais c’est sur Maudit mot dit où mon nom apparaît pour la première fois. C’est Matthieu qui m’a poussée à le faire (le jeu et m’identifier en tant qu’illustratrice au dos de boite). C’est le premier jeu que j’ai fait qui me ressemble vraiment en design graphique, je suis très heureuse d’avoir eu cette opportunité. Je fais pas mal de choses à titre perso, cela influe beaucoup sur mon travail et ma créativité. J’aime surtout réfléchir à des ambiances, « des concepts » de manière générale.

Pouvez-vous nous parler de votre rôle et de votre expérience en tant qu’illustratrice sur Trio ?

Mon rôle pour Trio, comme pour la plupart des jeux chez Cocktail, est d’amener des pistes graphiques. Notre problématique est souvent la même : nous éditons des petits jeux qui n’ont pas besoin de « thématique » particulière. Pour Trio, il s’agissait d’habiller des cartes avec « juste » des numéros et essayer de rendre tout ça sexy et lisible. Dis comme ça, ça peut sembler simple... mais, pour avoir travaillé sur plusieurs jeux de ce style, je peux vous assurer que non. Il y a plusieurs points qui étaient importants pour nous : il fallait que le jeu ait une personnalité pour qu’il soit identifiable, que le public cible se reconnaisse en voyant la boite. Et bien sûr que l’ensemble soit plutôt esthétique. Quand j’ai commencé à travailler sur Trio, j’avais deux idées principales en tête. D’une part, je voulais que chaque carte soit d’une couleur vive en aplat, pour avoir un éventail de cartes colorées. D’autre part, pour la carte 7 qui est si spéciale dans le jeu, il fallait clairement qu’elle soit aussi spéciale en main comme un « golden ticket » de Willy Wonka. Quelque chose qui te donne envie d’esquisser un petit sourire si tu as la chance de l’avoir. Pour la suite, j’ai ouvert mon Pinterest et j’ai vu une photo de papel, boom ! Ça m’a tout de suite inspiré. C’est très rare que le déclic arrive si vite. Pour le coup c’était aussi simple que ça ! L’inspiration peut vraiment venir d’un petit détail. Et surtout, les papels cochent toutes les cases, c’est coloré, festif et chacun peut avoir sa propre personnalité. Pour ma part j’aime beaucoup travailler avec des formes géométriques, des ornements, en symétrie. Les papels étaient juste parfaits pour s’amuser avec ça. Quand j’ai proposé cette idée, elle a très rapidement plu à toute la Cocktail Team. On l’a validée dans la foulée. J’ai ensuite travaillé sur les cartes qui ont chacune un thème : l’amour, la mort, la musique. Il y en a aussi des plus funs comme celle avec l’avocat qui se transforme en guacamole, ou celle avec le catch mexicain. L’avocat à la base était secondaire, mais il nous permet de l’utiliser pour en faire une petite mascotte. Côté technique, je travaille beaucoup en vectoriel, j’ai tout dessiné directement sur Illustrator.

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à l’occasion de l’attribution à Trio de l’ As d’or - Jeu de l’année 2024 (catégorie principale)


Bonjour Kaya, pourriez-vous vous présenter en quelques lignes ?

Bonjour. Je m’appelle Kaya Miyano. Mon activité principale est la création et l’autoédition de jeux de société. Je n’ai pas encore créé ma propre entreprise, j’ai encore un statut entre amateur et professionnel, et je travaille seul. En tant que créateur de jeux de société indépendant, il m’arrive de concevoir des jeux sur commande. Mon activité est surtout centrée sur mon label personnel.

Bonjour Sarah, pouvez-vous présenter la maison d‘édition Cocktail Games en quelques lignes ?

Cocktail Games est une maison d’édition, fondée par Matthieu d’Épenoux en 2003 dont la marque de fabrique, depuis l’origine, est de mettre sur le marché des jeux simples, intergénérationnels et malins, susceptibles de plaire au plus grand nombre. C’est un cocktail ludique composé de : Matthieu, le Big Boss toujours à l’affût de nouveaux concepts de jeux fun et originaux. Miguel, le couteau suisse de l’entreprise. Mike, le responsable Développement et Suivi de production. Laura, la graphiste et illustratrice de plusieurs de nos jeux. Sarah, la responsable Communication et Vidéos. Florence, la responsable Événementielle. Julia, la responsable Export.

Pouvez-vous nous parler des autres intervenants impliqués dans le jeu de société Trio ?

Cocktail games : Trio c’est tout d’abord Nana, un jeu de Kaya Miyano, auteur japonais, qui a été auto-édité sur le marché japonais. Cocktail Games source ses futurs jeux auprès de deux canaux principaux :

  • Le canal classique avec des jeux qui nous parviennent par mail et sur salon ou festival.
  • Le canal japonais avec une veille faite sur place par un intermédiaire. Trio a été repéré par lui.

Des tests en interne nous ont persuadés que l’on tenait un bon jeu. On a ensuite fait jouer des boutiques et un public néophyte. Dans les deux cas, les réactions étaient formidables. Sur la base de ces très bons retours, le jeu a été signé. L’équipe Cocktail Games ainsi que Thomas, Delphine et Gabriel (anciens salariés de Cocktail Games) se sont lancés dans le développement de Nana qui s’est peu à peu transformé en Trio.

Kaya : Pour ce qui est de l’œuvre originale Nana, j’ai été aidé par les gens du café jeux Saiou, notamment Beppu Sai, qui a aussi réalisé les illustrations pour la version japonaise, et Ronmei, qui m’a apporté son aide dans le développement. En ce qui concerne Trio, Matthieu d’Epenoux et les autres membres de Cocktail Games, ainsi que Laura Michaud, qui en a réalisé les incroyables illustrations, ont fait un excellent travail.

Trio - Acte 1 : de l’idée au prototype

Kaya : À l’origine, le jeu avait pour thème les machines à sous. Il s’agit d’un jeu où l’on appuie trois fois sur le bouton et où, si les chiffres sont bons, on obtient des pièces pour continuer à jouer et éventuellement gagner plus. Il s’intitulait Slotters et a été vendu à titre privé en 2015. À l’époque, l’un des éditeurs à qui je l’avais présenté m’a dit qu’il voulait le publier à condition qu’il soit mieux développé. Je n’ai pas poursuivi plus avant et il est donc resté dans les tiroirs de cet éditeur pendant longtemps. Quelques années plus tard, j’ai décidé de créer un jeu facile à appréhender utilisant des chiffres. Après quelques temps à réfléchir et à ne pas trouver d’idées qui me convenaient, je me suis souvenu de Slotters et j’ai créé Nana.

Trio - Acte 2 : du prototype à l’édition

Kaya : J’ai montré le prototype de Nana aux éditeurs qui m’avaient approché à l’époque de Slotters. Je pensais que Nana leur plairait, mais ils m’ont tous répondu « Non ». Malheureusement, à cette époque, les éditeurs ne cessaient de me dire « Non » à tous mes projets. Cette expérience a eu un gros impact sur ma confiance en moi et j’ai commencé à me demander si j’étais fait pour créer des jeux de société. Pourtant Nana bénéficiait d’une très bonne réputation auprès de mon entourage. Voyant cela, j’ai décidé de ne pas le laisser tomber et de le publier en autoédition au Tokyo Game Market.

Cocktail Games : Nous sommes partis de la version initiale du jeu Nana. Partir d’une base existante c’est à la fois un inconvénient et un avantage. Inconvénient, parce qu’il va falloir faire preuve d’abstraction pour ne pas être influencé par les graphismes très kawai mais probablement trop underground pour en faire un produit destiné au plus grand nombre. Avantage, parce que cela va aussi nourrir une réflexion sur le jeu lui-même, son ergonomie et nous donner des repères bien utiles pour pouvoir “refaire à notre sauce” le jeu en liaison avec l’auteur.

Pour ce jeu, nous avons dissocié les deux façons de gagner du jeu Nana pour créer deux modes de jeu : le mode Simple et le mode Picante. Nous avons aussi modifié le nombre de joueurs : de 2 à 5, il est passé de 3 à 6. En effet, le jeu à 2 joueurs nous a semblé peu pertinent du fait qu’il demande uniquement de la mémoire (et peu de déduction), et à 6, les tests ont prouvé que cela se jouait très bien également. Ainsi, cela nous a permis d’ajouter un mode en équipe, pour les joueurs en nombre pair - variante qui plait bien aux joueurs.

Trio - Acte 3 : de l’édition à la sortie en boutique

Kaya : Avec l’aide d’autres personnes, Nana a été publié en 2021. Au Tokyo Game Market, où il a été publié pour la première fois, les 300 exemplaires que j’ai apportés ont été vendus en une journée. Par la suite, les jeux que j’ai distribués se sont également vendus rapidement, et j’ai dû demander une réimpression très rapidement. Plus tard, j’ai reçu un message de Cocktail Games qui m’a poliment demandé si j’étais intéressé par une édition étrangère du jeu. Très vite, alors que Nana continuait son bonhomme de chemin au Japon, il est devenu Trio. Je suis extrêmement fier du succès que rencontre le jeu. Mon expérience avec Cocktail Games m’a redonné foi en ma création. Merci à eux.

Cocktail Games : Du point de vue éditeur, de sa signature à sa sortie en boutique, Trio a suivi les différentes étapes de l’édition :

  • Travailler sur la mécanique et la règle afin de la rendre accessible à toutes et tous.
  • Faire des tests suite aux micro-réglages effectués puis développer les points soulevés.
  • Trouver un nom, si possible universel et qui soit en lien avec la mécanique du jeu.
  • Définir un axe graphique autour de l’ambiance et de la mécanique du jeu et de son titre.
  • Lancement de la fabrication française, avec son lot de bonnes et mauvaises surprises.
  • Définir une stratégie de communication avec nos deux interlocuteurs principaux : les boutiques et les joueurs.
  • Le faire jouer très en amont aussi bien aux futurs consommateurs, qu’aux « influenceurs », et revendeurs (distributeurs, boutiques), etc.

Trio est un phénomène en soi : y jouer, c’est l’adopter. Si bien que la communication autour de cette pépite s’est alimentée toute seule et que beaucoup de joueurs en ont parlé d’eux-mêmes, assez rapidement. Nous sommes contents de la très bonne presse qu’a eu Trio dès sa sortie et qui continue encore maintenant, notamment avec le label As d’Or - Jeu de l’année qui vient couronner cette aventure.

Comment avez-vous vécu cette victoire ?

Kaya : Au moment où j’ai reçu le prix, je me suis dit qu’en tant que lauréat d’un prix prestigieux, je devais me comporter de façon exemplaire, remercier qui de droit et surtout l’équipe de Cocktail Games. C’est d’autant plus incroyable pour moi que c’est la première fois que ce prix est remporté par un auteur japonais. J’étais tellement concentré sur le discours que nous avions préparé que je n’ai pas tout de suite ressenti la pression. Lorsque j’ai terminé mon discours, que j’ai ri avec tout le monde chez Cocktail Games et que j’ai vu Matthieu ému, j’ai senti pour la première fois que j’étais heureux d’avoir gagné le prix.

Cocktail Games : C’est dur d’avoir une réponse très précise à cette question, car c’est surtout une myriade d’émotions. Cette cérémonie-là c’est surtout un moment vécu ensemble, où l’on a stressé, rigolé et franchement éclaté de joie tous ensemble. De la préparation dans les loges à la sortie du Festival, nous n’avons fait qu’un : l’équipe Cocktail. Chronologiquement, avant la cérémonie, certains étaient un peu stressés et l’animation sur le stand a fait monter la pression, notamment lorsque les amis viennent nous dire que « cette fois-ci, c’est sûr, c’est la bonne ! » alors que ce n’est pas du tout la première fois que l’on entend ça. On ne va pas vous mentir, on avait prévu les deux finalités mais, pour une fois, le fait d’être « favori » nous faisait croire en la potentielle victoire. Alors au moment de l’annonce de l’As d’or - Jeu de l’année... c’est tout bonnement de la joie à l’état pur. La cérémonie a été très émouvante, pour n’importe lequel d’entre nous. L’émotion de la salle, l’ovation pour Kaya Miyano et Matthieu... cela fait beaucoup de souvenirs très précieux. Pour finir, la venue de Kaya Miyano, l’auteur de Trio, était un bel événement : le voir s’épanouir tout au long du festival et le voir découvrir la vie à la française était un vrai plaisir ! Nous espérons qu’il restera fier de lui très très longtemps !

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à l’occasion de la sortie de Lanfeust de Troy - Chapitre premier : Evilhëne


Bonjour, pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?

Christophe : Salut, je suis Christophe, l’un des créateurs et associés de la maison d'édition de jeux de société Oka Luda. J’ai participé à l’aventure Lanfeust en tant que chef de projet. Après la rencontre avec Arleston/Tarquin, les créateurs de la célèbre bd Lanfeust de Troy, pour valider l’idée, j’étais présent à chaque étape. Que ce soit sur les mécaniques, les illustrations, les graphismes, la recherche et le choix des matériaux, la fabrication, pour finir par la commercialisation. Un boulot d’éditeur !

Nathalie & Rémi : Bonjour, nous sommes auteurs depuis une dizaine d'années maintenant. On a découvert les jeux grâce à un couple d'amis qui nous ont emmenés un soir dans une association proche de chez nous. Nous sommes accros aux rencontres ludiques, que ce soit avec les professionnels (on aime autant les rencontres d'auteurs, faire des journées en boutiques ou des soirées dans les bars à jeux, bosser avec les éditeurs, passer nos vacances avec des animateurs...), ou surtout avec les joueurs. Les éclats de rire ou la prise de tête sur une mécanique, ou l'aventure, l'important c'est l'expérience que l'on va faire vivre aux joueurs qui nous fait vibrer.

Arleston : Je suis Christophe Arleston, créateur et scénariste depuis 1994 de la bande dessinée Lanfeust de Troy et de différentes œuvres liées au même univers, comme Trolls de Troy ou Les Conquérants de Troy. L’univers de Troy représente près de 70 albums de BD sur les 250 que j’ai écrits, et cumule à lui seul plus de 12 millions d’exemplaires vendus. J’ai été 20 ans rédacteur en chef du mensuel Lanfeust Mag, et aujourd’hui, en plus de mes activités de scénariste, je suis directeur éditorial de la maison d’édition Drakoo.

Pouvez-vous nous parler des intervenants impliqués dans le jeu de société Lanfeust de Troy – Chapitre premier : Evilhëne ?

Christophe : Pendant des heures ! (rires) Toute l’équipe est au top ! Je recommence demain les yeux fermés, d’ailleurs je ne veux pas spoiler mais le sous-titre commence par « Chapitre Premier »... Oka Luda a eu de la chance à chaque étape du projet. Notamment pour réunir une équipe de graphistes et infographistes avec Guillaume Tavernier, Violaine et Nicolas, relecteurs avec Virginie et Ben Le Puzzle, illustrateurs et auteurs avec les teams Nathalie & Rémi Saunier et Christophe Arleston & Didier Tarquin, le projet s’est déroulé à merveille ! Chacun motivé, car dès le début tout le monde y croyait vraiment et malgré les sacrifices que cela pouvait impliquer, ils répondaient présent à chaque heure du jour ou de la nuit !

Rémi : C’est Christophe qui a été en contact avec les auteurs de la BD, mais rien n’aurait été possible sans le contact donné par Ericka et Pierrot de KYF edition. De notre côté, c’est toujours grâce aux testeurs sur les festivals mais aussi à nos fidèles de l’association Tas de beaux jeux, proche de chez nous, les auteurs du CAJO et beaucoup grâce à David Berthelot pour les retours de game design et la relecture de règles. Et nous sommes ravis que Oka Luda ait validé notre souhait de travailler avec Guillaume Tavernier dont on aime beaucoup le travail et qui a eu la gentillesse d’accepter de dessiner toutes les maps et les éléments du jeu. Enfin, mes chats qui m’ont tenu compagnie la nuit pour que je ne m’endorme pas sur le premier chapitre.

Christophe Arleston, pouvez-vous nous parler de votre rôle et de votre expérience en tant que scénariste sur le jeu Lanfeust de Troy – Chapitre premier : Evilhëne ?

Pour commencer, je dois dire que je suis désormais méfiant car il y a eu par le passé des utilisations de la licence Lanfeust dans divers domaines, dessin animé ou jeu vidéo, pour lesquels j’ai été très déçu du résultat final. Mais là, un ami commun Pierô, m’a mis en contact avec Oka Luda en me disant que je pouvais avoir confiance, et m’a fait tester les prototypes : j’ai tout de suite eu une très bonne sensation ludique.

Il y a un système de jeu simple et malin, ce qu’on me présentait était avant tout un bon jeu, habillé ou non aux couleurs de Lanfeust. Je suis assez joueur de jeux de société de nature, et le jeu m’a convaincu, j’étais ravi, et on a signé. Par la suite, j'ai surtout servi de lien entre la création du jeu des auteurs Nathalie & Rémi, l'ergonomie graphique et mon univers. Ils ont créé l'histoire qui se passe entre le tome 2 et 3 de la première série Lanfeust de Troy et je me suis contenté de vérifier la cohérence du contenu historique et que les dialogues des héros collent avec leur personnalité.

Et à l’arrivée je suis aussi assez admiratif du travail qualitatif sur l’édition du jeu, je trouve que pour son prix il y a vraiment du beau matériel dans la boite. D’autant que Didier Tarquin a pris le temps de faire une illustration inédite pour la boite, avec la même efficacité qu’il a pour les couvertures d’album !

Acte 1 : de l'idée au prototype

Christophe : Tout commence dans une bourgade, Parthenay, lors du Flip 2021, Nathalie et Rémi avaient retravaillé un concept de jeu qu’ils nous avaient présenté quelques mois auparavant, les fameux 4 dés qui composent des formes à la Tetris. Nous étions fans, mais il manquait un fond. Et c’est lors de ce Flip que Rémi nous dit « Le fond, ce sera de l’exploration de Donjons pour gagner des points d’expérience ! ». D’un commun accord, Miguel (autre associé Oka Luda) et moi avons crié « GÉNIAL ! ». On a signé le contrat dans la foulée. Le projet était lancé... Par rapport au mécanisme général de semi-coop, mais chacun pour soi, l’univers et les personnages de Lanfeust se sont imposés à nous. Il restait à finaliser un prototype et à obtenir la validation d’Arleston et Tarquin.

Nathalie & Rémi : Quelques années auparavant... L’idée première du jeu était de réaliser une forme à la Tetris avec des dés et de s’en servir pour créer une façade de rue. Les joueurs devaient prendre la majorité des lignes et des colonnes créées. Plus tard, en gardant le principe des dés, on est partis sur un roll and write avec différentes grilles. Toujours à explorer de nouvelles idées et le côté rôliste de Rémi aidant, a été imaginé un donjon que chaque personnage devrait explorer, nous avons réalisé cette version avec les personnages du Donjon de Naheulbeuk et c’est cette version que l’équipe Oka Luda a préférée. Il ne restait plus qu’à trouver le thème idéal, et Lanfeust est arrivé.

Acte 2 : du prototype à l’édition

Christophe : « Ah enfin ! On nous propose un vrai jeu dans notre univers ! » dixit Arleston. À partir de cette réflexion hyper motivante, toute l’équipe a travaillé d’arrache-pied pendant quatre mois pour obtenir un prototype présentable à notre distributeur. Malgré quelques imperfections, il nous a fait confiance et nous a encouragés à aller de l’avant en promettant de le pousser auprès des boutiques ! Quatre mois de plus avec des nuits blanches pour arriver au jeu fini. Surtout qu'entre-temps, les auteurs Nathalie & Rémi ont eu la fabuleuse idée d’un livret d’aventure. Oui le jeu ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui sans de multiples idées, conservées ou abandonnées, justifiées ou non, des aller-retour incessants entre les différents acteurs du projet !

Nathalie & Rémi : Quand l’éditeur a pris le proto du Donjon, ils avaient déjà l’idée d’une licence. Au Flip 2022, Chris nous demande si l’on connaît Lanfeust de Troy, Nathalie ne connaissait pas, Rémi un peu, on avait 3 Lanfeust Mag à la maison... Chris nous annonce alors qu'il a la possibilité, via Pierô et Ericka, de montrer un proto de Lanfeust à Christophe Arleston. On se met au travail pour adapter notre proto à l'univers, il doit être finalisé pour le festival d’Orléans où Chris le découvre et le valide. 15 jours après, on fait jouer Pierô et Ericka lors du festival de Vichy où eux aussi, sont séduits. Ils prennent le proto et la semaine suivante, ont la gentillesse de faire jouer Arleston.

Acte 3 : de l’édition à la sortie en boutique

Christophe : Une fois dans les tuyaux du fabricant, la pression redescend un peu, mais la tension reste présente ! Il nous faut encore préparer le marketing, les communications, le présenter aux joueurs des différents festivals, rapatrier des boîtes presse et planifier les vidéos de règles et présentations ! Pour cela, jamais avares de faire des efforts, les auteurs ont proposé de créer une mini aventure « L’art de régner ». Jouable en 1h30, avec le matériel de la boite, afin de permettre aux influenceurs, boutiques et autres concernés de découvrir l’immersion dans l'univers Lanfeust de Troy (la bd) au travers de l’aventure sans se spoiler l’aventure du Chapitre premier : Evilhëne. Mini aventure qui est téléchargeable gratuitement sur notre site internet okaluda.fr ! De plus, nous proposons, pendant le mois de décembre, la possibilité pour chacun de créer ses propres histoires, de nous les soumettre sur la communauté, pour les rendre accessibles en téléchargement sur notre site par la suite ! Des heures et des heures d’aventures en perspective !

Nathalie : Lorsqu’on a vu le prototype final fait par Oka Luda on était vraiment super contents ! Arriver à sortir un jeu à ce prix avec un chouette matériel était un défi et ils l’ont réussi. C’est toujours un immense stress la sortie d’un jeu, et celui-ci ne déroge pas à la règle surtout dans les délais et avec la pression qu’on a eue ! Mais au final, il est là, il semble plaire, et on a à nouveau ce plaisir de voir les gens se marrer en jouant et ça c’est super. On a eu la chance de pouvoir le faire jouer lors de notre festival local en avant-première et ça a été un franc succès tant en mode libre qu’en mode aventure (l’aventure supplémentaire que Rémi a imaginée pour les animations plait beaucoup) et les premières animations boutiques sont formidables, et on en a programmé « quelques-unes » d’ici la fin de l’année.

Quelles sont les particularités auxquelles vous avez été confrontés en ce qui concerne l’adaptation de la bande dessinée en jeu de société ?

Christophe : Amateur de bds tout autant que de jeux de société depuis mon plus jeune âge, je pense que les deux milieux sont très poreux. Le public peut être le même sans difficulté, puisque dans les deux cas nous avons un univers qui est propre à l'œuvre ! Un léger effort d’adaptation pour conserver le maximum de cohérence entre les deux, éviter les pièges de la facilité comme trop souvent dans l’application de licence sur n’importe quoi pour des raisons spéculatives. Et le tour est joué, pour le bonheur des créateurs du premier univers, pour les développeurs qui adaptent, et pour le public fan qui prolonge son expérience et accompagne ses héros en les incarnant en vrai, que de la joie !

Nathalie : Au tout début de l’accord de la licence, Rémi s’est plongé dans la lecture de toutes les BD. Dans les premiers jours, Rémi me dit que Cixi va passer par là pour ouvrir le chemin. « Et quoi ? Pourquoi ? ». Par manque de temps entre travail et weekends à courir partout, je ne les ai pas lus tout de suite, et tant mieux ! Cela m’a permis d’être le garde-fou (et c’est rien de le dire) dans les centaines d’échanges entre Rémi et l’éditeur. On ne pouvait pas faire un jeu uniquement pour les fans de Lanfeust et risquer que les joueurs n’y trouvent pas leur plaisir. A contrario, Rémi devait absolument faire en sorte que le fan puisse retrouver tout ce qu’il aime tant avec les héros. On a avancé à petits pas pour ne pas tomber dans la facilité ni commettre d’erreurs.

Racontez-nous une anecdote marquante qui vous est arrivée durant le développement du jeu.

Christophe : Il y en a plein, mais celle-ci tient pour moi le dessus du panier ! On en était à se dire, bon on a l’idée de Lanfeust, mais comment rencontrer les décideurs de la licence et les convaincre de nous faire confiance ? La première personne à qui j’en parle, Ericka, me dit « C’est génial comme jeu, ça va plaire à Tof ! ». Et elle m’explique qu’elle est amie avec Christophe « Tof » Arleston, ayant travaillé avec lui et étant sa voisine avec qui elle joue régulièrement à des jeux de société. Un SMS de sa part et c’était enclenché ! Quand le karma s’en mêle, tout est plus simple !

Rémi : Nous avons fait le prototype avec Lanfeust, Cixi, Hébus et Or-Azur comme personnages jouables. Or en relisant les BD, un détail me chiffonne et je me replonge dans la lecture des tomes 2 et 3, parce que nous avons décidé que l’histoire se passerait sur une île entre ces deux tomes-là. En pleine lecture, je réalise que le chevalier Or-Azur n’a pas encore rejoint les héros donc qu’il ne peut pas être présent. Après une discussion animée avec Chris, je décide de ne pas utiliser le personnage d’Or-Azur, mais par qui le remplacer ? Chris est plutôt pour C’ian pour qu’il y ait une parité homme/femme, alors que je soutiens Nicolède qui est plus âgé mais qui, me semble-t-il, fait un bien meilleur héros que sa fille qui a peur de tout. Après de nouvelles discussions, Chris se range à mon choix et je crée la fiche personnage de Nicolède et lui donne aussi un pouvoir de feu qui lui vient de sa capacité à fabriquer des grenades.

site : http://www.loki-kids.com/

source : liste des Philimag (téléchargeables), éd. Grammes


Bonjour Marion, pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?

Qui suis-je ? Je suis Madame LOKI : j’édite des jeux de Wouf pour enfants. J’évolue dans le monde ludique depuis une douzaine d’années... voire un peu plus puisque j’ai eu la chance d’avoir une maman ludothécaire qui me faisait découvrir chaque semaine de nouveaux jeux. L’héritage familial s’est petit à petit mué en passion. Alors, lorsque l’opportunité s’est présentée d’en faire mon métier, j’ai (forcément) sauté sur l’occasion, tout d’abord en tant que Chef de projet (de jeux trèèèès variés) puis au titre de Brand Manager ou de Chef de Gamme.

Dans quel contexte la maison d’édition Loki a-t-elle été créée ? Quels étaient les envies et les objectifs ?

Le jeu de société a vécu un renouvellement incroyable cette dernière décennie, avec l’émergence d’une offre foisonnante pour adultes et un public de plus en plus averti. En parallèle on s’est dit : « pourquoi les enfants n’y auraient-ils pas droit, eux aussi ? ».

Nous sommes en 2018. L’idée est alors de proposer la même qualité de divertissement mais adaptée aux enfants de moins de 8 ans ! Le postulat est le suivant : les joueurs d’hier étant devenus parents, ils veulent retrouver le même plaisir de jeu à partager avec leurs enfants, se faire surprendre par des mécaniques malines, plonger ensemble dans des mondes imaginaires colorés, joyeux, fantastiques. LOKI est né pour apporter une réponse à cette évolution des (petits) joueurs en apportant une alternative aux jeux classiques pour enfants. Érigé en studio de développement, piloté par de (grands) enfants, LOKI a son identité propre, ses codes, sa mascotte (un charmant corgi farceur et aventurier, vous le reconnaissez ?).

Quel est votre ligne éditoriale ? Avez-vous une spécificité ?

On choisit un jeu parce qu’il nous fait vibrer, parce qu’on le juge novateur, futé et inattendu. Trois axes caractérisent LOKI : c’est tout d’abord son univers esthétique fourmillant de détails et servant la narration. C’est ensuite sa qualité d’édition : l’ergonomie, la scénarisation et le matériel, à la fois robuste pour durer et adapté pour favoriser l’immersion. C’est enfin, évidemment, sa profondeur mécanique : ce moment où vous écarquillez les yeux en vous disant « hey c’est malin, ça » ! Eh bien cet amalgame de sensations résulte d’innombrables heures d’échanges passionnés entre auteur/trice et chef/fe de projet !

En termes de process, nous recevons beaucoup de jeux pour lesquels nous faisons une première sélection, drastique. Puis nous allons le tester en école, chaque semaine, où nous sommes accompagnés par des professionnels de la petite enfance. Et enfin nous échangeons avec les commerciaux pour ne garder que les jeux qui survivent à ces différentes étapes. Aujourd’hui nous proposons une trentaine de références, avec différents prix et formats, qui nous permettent de structurer notre offre pour proposer l’ADN LOKI à travers différents types de supports : jeux de société, puzzles, casse-têtes...

Pouvez-vous nous parler de vos jeux à venir ?

Suite à l’engouement que l’on a rencontré auprès d’un public de petits joueurs, nous avons travaillé sur Cache-Cache Loustic, un jeu de Bertrand Roux dédié aux 3+ prévu pour le début d’année prochaine. Une partie de cache-cache dans un univers 3D incroyable où il faudra trouver la meilleure cachette pour que le loup ne vous trouve pas à travers son masque. La recherche et développement a été un long combat pour s’assurer que l’expérience de jeu soit optimale, et que le matériel résiste aux manipulations répétées des petites mains. Assez tôt, nous avons missionné Alena Tkach, illustratrice ukrainienne, sur ce jeu. Mais la guerre a éclaté et nous avons dû repousser ce projet pour que cela puisse se faire dans de bonnes conditions. Sans regret, tant le résultat est mignon !

Nous travaillons aussi sur de nouvelles enquêtes de la sémillante Détective Charlie de Théo Rivière avec les Fées Hilares : il faudra résoudre de nouvelles intrigues à Mysterville, mais sous une forme inédite de jeu... En voilà bien des mystères !

Enfin, on espère pouvoir présenter en 2024 une gamme de livres-jeux inédite, où, munis de figurines, les enfants pourront déambuler dans les différentes pages univers pour donner vie à leurs histoires et développer leur imaginaire.

source : liste des Philimag (téléchargeables), éd. Grammes


Bonjour Kenny, pourriez-vous vous présenter brièvement ?

41+1 ans (les Lyonnais comprendront), marié à une joueuse plus forte que moi, papa de deux enfants (13 et 16 ans) et passionné de jeux depuis un paquet d’années maintenant. Du jeu famille jusqu’au gros jeu expert avec un spectre probablement trop large de choses qui me plaisent. Je bosse dans l’informatique et suis aussi Président d’une association ludique qui organise des soirées jeux dans notre village au Nord-Est de Lyon (La côtière s’amuse).

Pouvez-vous nous parler de « Akoa Tujou » ?

Akoa Tujou a démarré pour une raison assez simple. Il y a 5 ans, nous avions fait en famille un créneau tous les soirs de 20h à 20h30 où l’on jouait tous les 4 à un jeu de société. C’était un moment exceptionnel de partage en famille et nous avons décidé à ce moment-là de partager cela à d’autres en proposant de parler des jeux de société que nous aimions mais en rajoutant quand c’était adapté le regard et les mots de nos enfants. Le collège, le lycée, l’adolescence étant passés par là depuis, ces moments de jeu en famille sont plus rares mais notre est passion intacte et le jeu représente toujours une grosse partie de notre temps personnel qui nous permet de continuer d’alimenter le blog de nos découvertes et retours de festivals.

Quel type de contenu créez-vous ? Sous quelle(s) forme(s) ?

Nous avons majoritairement 3 types de contenus écrit :

  • Les sélections : qui nous permettent d’aider les joueurs, soit en fonction de l’âge, soit des périodes de l’année, à trouver les meilleurs jeux (selon nous) dans ces nombreuses sorties. Sélections que nous mettons à jour régulièrement.

  • Les découvertes : des avis plus à chaud de tout ce que l’on essaie avec une notation simple (Bof, Sympa, Adore, Coup de cœur) des membres de la famille l’ayant essayé. Généralement regroupés sur 1 ou 2 mois avec une dizaine de jeux ou lors de festivals (Vichy, Cannes ...).

  • Les tests : format écrit plus conventionnel mais qui nous permet d’aller plus en profondeur dans un jeu et d’avoir un avis plus construit avec plus/moins, notre notation ainsi que les avis de nos enfants quand ils ont aussi joué à ce jeu.

Où peut-on découvrir votre contenu ?

Vous pouvez nous retrouver sur notre blog ludique pour des chroniques complètes ainsi que sur les réseaux sociaux. On partage nos instants « jeux de société » et on en profite pour papoter avec vous. ainsi que sur nos réseaux sociaux !

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à l’occasion de la sortie de Moon River


Bonjour Régis, pouvez-vous vous présenter en quelques mots et nous parler de votre parcours dans le secteur du jeu de société ?

Bonjour ! Je suis Régis Torres, et je suis illustrateur sur des jeux de société depuis bientôt une dizaine d’années. C’est une suite d’heureux accidents qui m’ont permis de pouvoir contribuer au paysage ludique. Nourri aux mangas, aux jeux vidéo et surtout aux jeux de rôle depuis l’enfance, dessiner des univers a toujours occupé une place importante dans mon quotidien. Après une formation en graphisme, j'ai d’abord travaillé dans le jeu vidéo au début des années 2000 pour enfin me tourner vers la bande dessinée. C’est le fruit de toutes ces expériences qui m’a amené à entrer dans le monde du jeu en illustrant King of New York, puis la seconde édition de King of Tokyo dans les années 2010. Pouvoir contribuer à l’expérience de jeu par l’illustration a été une révélation ! Et depuis, chaque projet est une nouvelle aventure, une occasion de soutenir la mécanique de jeu et de donner envie d’explorer des univers... comme l’Ouest Sauvage de Moon River !

Pouvez-vous nous parler de votre rôle et de votre expérience en tant qu'illustrateur sur le jeu Moon River ?

Moon River est ma seconde opportunité de représenter le far west pour un jeu de société. Sur ce jeu, il a été d’emblée important de pouvoir proposer une interprétation différente et originale du far west, et qui soit dans la veine de la gamme. La perspective de faire coïncider les univers de Kingdomino avec le western s’est même révélée être un jeu lors de sa réalisation.

L’une des forces du jeu d’origine est sa lisibilité, avec des environnements variés... Mais sur cette version il y a un twist ! En ayant en tête que les terrains puissent se combiner comme des pièces de puzzle, il a fallu dès les premières étapes de la réalisation penser tous les environnements dans leur ensemble. Il est donc devenu évident que les décors devaient être facilement reconnaissables pour faciliter leurs combinaisons. Et c’est cet aspect du graphisme qui a dirigé la conception des tuiles de Moon River. Autant dire qu’il y avait ici l’occasion de littéralement explorer cette réinterprétation du far west !

Une fois les couleurs et les environnements définis, il a ensuite fallu donner vie à cet univers. Mais là encore, la lisibilité a été le point le plus essentiel. Afin de soutenir la mécanique du jeu, il a été question de trouver le juste équilibre de détails pour qu’elle reste claire et qu’on puisse s’immerger dans cet univers. Si mes illustrations insufflent une étincelle d’exploration et donnent envie de se replonger dans Moon River maintes et maintes fois, ça sera la plus belle des récompenses !

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à l’occasion de la sortie de Moon River


Bonjour Bruno, pouvez-vous présenter Yohan en quelques lignes ?

Le Yohan des Montagnes fait partie d’une espèce en voie de développement : les auteurs des montagnes (les vraies ! Celles de Haute-Savoie). Sa taille (à peine 1m20 au garrot disent les mauvaises langues) est inversement proportionnelle à son talent d’auteur. S’il n’est pas encore très médiatisé, il n’en a pas moins déjà à son actif deux des meilleurs scénarios de Unlock! (le cirque et le tour du monde en 80 jours). Ainsi qu’un autre que j’adore sur le thème de Pinocchio, mais qui, à ma grande surprise, n’a pas été retenu par l’éditeur. Et surtout ses premiers jeux arrivent maintenant sous peu dans vos boutiques : surveillez bien Guilty, à paraître chez Iello... c’est du tout bon et correspond parfaitement à son goût pour les jeux narratifs.

Bonjour Yohan, pouvez-vous présenter Bruno en quelques lignes ?

Dans tous les domaines (sportifs, artistiques...), il existe des individus qui surclassent tout le monde. Des visionnaires, des pionniers qui laissent une empreinte indélébile dans leur discipline. Certes, l’Histoire du jeu de société moderne est encore jeune (plus que lui, d’ailleurs. Bim, légitime défense !) mais personne ne peut nier que « Cathala » fait partie de ces quelques-uns qui la marqueront. Un créatif acharné. Un horloger du détail. Un maître de l’analyse. « Cathala » est donc tout ça pour moi. Une sorte d’étoile qui indique le Nord.

« Bruno », lui, est plus humain. Cet amour des gens, cette passion de transmettre, de partager. Tous ceux qui l’ont croisé sont sûrement d’accord avec moi : il n’est pas pire en vrai qu’en vidéo.

Mais en réalité cette distinction n’a pas de sens. Il n’y a pas de Dr Cathala et de Mister Bruno. Parce que très vite, on réalise que travailler avec l’un ou discuter avec l’autre, c’est exactement la même chose, avec la même personne.

Bruno, est-ce que vous pouvez nous parler de votre expérience de co-création sur Moon River ?

Kingdomino est un jeu qui tient une place importante dans ma ludographie. Parce qu’il m’a permis de remporter le prestigieux Spiel des Jahres, bien évidemment, mais aussi, et surtout, parce que, année après année, il continue de se faire une place de choix dans la famille des jeux familiaux. Comme c’est un jeu que je continue à aimer, à jouer régulièrement, je ressens parfois le besoin/l’envie de nouveaux challenges, toujours basés sur ce même système de jeu. C’est ainsi que, ces dernières années, sont nés Queendomino, Age of Giants (une petite extension), Kingdomino Duel (un jeu de dés) ou plus récemment Kingdomino Origins. Continuer à développer ce système de jeu me faisant toujours envie, je me suis demandé quoi faire, pour que ça fasse sens par rapport aux jeux déjà existants, évoqués ci-dessus. Quoi faire pour ne pas en arriver « au jeu de trop » ternissant la gamme.

“Think different” disent-ils dans la pub. Alors je me suis dit... Kingdomino, c’est quoi ? C’est un jeu de dominos qui constituent à la fin une surface qui donne des points et un système de score multiplicatif (chaque zone score nombre de cases fois nombre de couronnes).

Alors, l’idée constitutive du projet a été de supprimer les dominos et les couronnes.

  • Supprimer les dominos : exit les dominos préalablement constitués et bienvenue à des pièces du puzzle. Ainsi, il va être possible de CONSTITUER au fur et à mesure du jeu ses propres dominos, en tentant l’optimisation bien sûr. Une sorte de Kingdomino Legacy, mais se renouvelant à chaque partie, en quelque sorte.

  • Supprimer les couronnes : ou plutôt de les remplacer par des couronnes « mobiles ». En effet, dans le Kingdomino de base, les éléments multiplicateurs (couronnes) sont imprimés sur les tuiles. Là, l’idée a été de les transformer en meeples « vaches » que l’on va pouvoir déplacer pendant la partie grâce à ses cowboys. Bref, des couronnes mobiles que l’on va pouvoir déplacer sur les terrains les plus vastes... optimisation, vous dis-je !

Les idées, c’est bien, mais le passage à l’acte, c’est mieux. Parce que du boulot, ça en représentait quand même pas mal. Et je n’étais pas sûr d’y réussir seul. Alors j’ai proposé à Yohan de m’accompagner sur ce projet. Parce qu'on réfléchit toujours mieux à deux têtes qu’à une seule. Parce qu’amener un sang neuf dans l’univers de Kingdomino c’était aussi une bonne garantie de sortir des schémas de pensée personnels (on a beau se botter les fesses, le cerveau revient toujours naturellement dans sa zone de confort). Parce que c’est aussi et avant tout une histoire d’amitié. On partage une région, la passion des jeux, de la création, et des sorties à vélos dans nos montagnes. Il était temps qu’on scelle cette amitié par un jeu commun.

Et maintenant... j’ai assez parlé (ou écrit), je passe la balle à Yohan.

Yohan, est-ce que pouvez-vous nous parler de votre expérience de co-création sur Moon River ?

Prendre tranquillement le café chez Mr Cathala himself, c’est déjà un truc un peu fou. Alors quand il repose sa tasse et vous lâche « Ça te dirait de bosser avec moi sur le prochain Kingdomino ? », c’est juste irréel. La réaction normale attendue serait un immense sourire débile et brailler « Mais évidemment ! Passe-moi une feuille ! » Seulement au-dessus de ma tête, grossissait un énorme point d’interrogation.

Imaginez : vous êtes cette ado, assise toute seule sur son banc, qui regarde passer les autres lycéens à la sortie des cours. Avec votre appareil dentaire et vos boutons plein la tronche, vous passez votre scolarité dans votre coin, à bosser sans faire de vague. Et là, s’approche le beau gosse du lycée. Celui que toutes s’arrachent aux bals de fin d’année, LE skateur populaire aux cheveux longs (ok faut un peu d’imagination quand même...).

Il s’assoit à côté de vous et vous murmure dans l'oreille : « Tu voudrais sortir avec moi ? ». Voilà ce que j’ai ressenti. Un immense WTF MAIS POURQUOI MOI ?!

La question du pourquoi est la première à se poser quand on fait un jeu. Et c’est seulement après quelques jours, après avoir réalisé que cette question, ce n’était pas à moi de me la poser, que j’ai finalement accepté de me pencher sur le projet. Et quel projet ! De la phase initiale bordélique de brainstorming où tout est encore possible jusqu’à la dernière séance d’ajustement de virgules où plus rien ne l’est, nous avons gardé un seul objectif : celui de faire un jeu familial où les dilemmes sont incessants. Et vous verrez, quand vous jouerez à Moon River, que vous aurez ce même point d’interrogation qui grossit à chaque tour au-dessus de votre tête. Puis quand on vous volera une vache, vous penserez ce que j’ai ressenti, le jour où Bruno a reposé sa tasse : un immense WTF MAIS POURQUOI MOI ?!

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à l’occasion de la sortie de Dixit Disney Edition


Bonjour Jean-Louis, pourriez-vous vous présenter en quelques lignes ?

Bonjour ! Je suis connu comme l'auteur de Dixit. Pédopsychiatre, j'exerce à temps partiel dans une structure pour adolescents. Ainsi Feelings, un jeu sur les émotions créé avec un collègue, destiné à l'origine aux professionnels, s'adresse maintenant à un public plus large, grâce à Thibaut Quintens, d'Act in Games. Aujourd'hui, j'essaie d'allier la composition musicale à la création de jeu, comme dans Captain Esperanza, qui sort avec une bande originale, dans le but d'offrir une expérience immersive optimale.

Pouvez-vous nous raconter l'histoire de Dixit, du prototype à aujourd'hui ?

L'histoire de Dixit commence 20 ans avant sa sortie. Dans les années 80, les jeux de rôles étaient l'occasion de soirées ludiques passionnées, mais entre initiés. J'ai eu un déclic avec l'arrivée du Trivial Pursuit : quand j'ai vu l'engouement autour de ce jeu, véritable phénomène de société, je me suis promis de créer un jour un jeu qui diffuserait un peu partout du plaisir, voire de la joie. Je voulais créer un jeu non basé sur les connaissances ou la stratégie, mais qui pourrait stimuler la créativité propre des joueuses. Avec la nouvelle vague des jeux à l'allemande, qui a déferlé dans les années 90 et 2000, le jeu que j'imaginais n'était pas vraiment dans l'air du temps, mais il mûrissait en sourdine dans mon esprit. La frustration liée à l'échec de la commercialisation de Jericho en 2001, un jeu de stratégie abstraite pour deux, qui avait obtenu un Pion d'or à Boulogne et un As d'or à Cannes, a été le détonateur qui a permis à Dixit de voir le jour en 2002, né de ma passion croisée pour les images et pour les mots. J'ai très vite réalisé un prototype avec des illustrations issues du magazine les Belles Histoires. Les cartes dessinées par un illustrateur espagnol, Ulises Wensell, aujourd'hui décédé, étaient inspirées de vers de Jacques Prévert et collaient parfaitement à la mécanique.

Nous avons avec mon ami Régis rapidement constaté le potentiel ludique de ce jeu, notamment auprès des non-joueurs. Nous avons aussi constaté le hiatus existant entre les retours enthousiastes du public, et la frilosité des professionnels, intéressés mais pas au point de prendre le risque de l'éditer, car trop différent des canons de l'époque. Ainsi durant 5 années, Dixit a essuyé le refus poli d'éditeurs parmi les plus connus, jusqu'à ce que l'idée de créer notre propre société d'édition commence à germer et fasse son chemin chez Régis et moi-même. Cette démarche ne s'improvise pas, mais nous avons eu la chance d'être accompagnés par un organisme régional qui soutenait les créateurs d'entreprise innovante. Cette opportunité est liée à une recherche clinique au sein de l'établissement éducatif où je travaille, en 2005-2007. J'ai utilisé le prototype du jeu comme support à la communication chez les élèves, dans un groupe thérapeutique à médiation ludique, pour faciliter, grâce à l'intersubjectivité, l'expression et la pensée entre les ados, et les aider à améliorer leur comportement. Le succès (presque) inattendu de cette expérience a conduit à une pré-commande de 1000 boîtes de Dixit pour des structures éducatives du département. Nous étions prêts à nous lancer dans l'édition d'un jeu à la fois grand public et à visée thérapeutique. Nous n'avons pu obtenir les droits sur les cartes du prototype, mais Régis a su rebondir par la recherche et la découverte de Marie Cardouat, pour des illustrations au final aussi poétiques et inspirantes.

Le navire Libellud a pu prendre le large, même si j'ai décidé finalement de ne pas tenir la barre avec Régis. Travailler avec mon ami a été un bonheur absolu. Son énergie, sa capacité de travail hors du commun, ses compétences créatrices et humaines ont littéralement transcendé la valeur intrinsèque du jeu, et lui ont donné une reconnaissance nationale, puis mondiale. On pourrait dire, objectif atteint pour moi, et largement dépassé même ! Mais non, l'aventure a continué, avec de nouveaux univers graphiques pour les cartes et un travail de co-création toujours différent avec chaque illustratrice et illustrateur des 9 extensions du jeu. J'ai été sollicité à de nombreuses reprises pour des utilisations professionnelles des cartes, dans différents domaines (soin, littérature, entreprise...). J'ai également dirigé une thèse de médecine sur l'utilisation de Dixit dans des groupes thérapeutiques pour des ados anxieux. Aujourd'hui, il reste de nouveaux horizons à explorer, dont la récente collaboration avec les studios Disney, avec une contribution personnelle, de toute l'équipe de Libellud, et de Nathalie Dombois l'illustratrice talentueuse, pour une version que je trouve magique.

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Bonjour Eric et Adrien, pouvez-vous vous présenter en quelques mots et nous parler de votre parcours dans le secteur du jeu de société ?

Adrien : Bonjour Philimag ! J’ai 28 ans, je vis en France, à Bordeaux, et je suis illustrateur depuis 2019. J’ai commencé à travailler sur des jeux de société en 2020 sur un premier petit jeu indépendant, et le déclic s’est tout de suite fait. J’ai enchainé ensuite sur plusieurs gros projets qui m’ont occupé pas mal de mois, et depuis je travaille en quasi continu sur les divers projets que l’on me confie. Les jeux et moi nous sommes rencontrés par hasard, je visais le milieu du jeu vidéo, mais les confinements à répétition en France ont rendu la tâche complexe, et c’est finalement un mal pour un bien : j’adore ce sur quoi je travaille, ainsi que tous les acteurs du jeu de société. Merci à vous tous pour cette confiance !

Eric : Je suis un illustrateur indépendant et je vis avec ma femme Rachel Gregor à Kansas City, dans le Missouri. J'ai fait un peu de freelance au début de ma carrière lorsque je travaillais dans le jeu vidéo et l'animation, mais tout a vraiment commencé dans le jeux de société lorsque j'ai commencé à travailler en freelance à temps plein en 2017. Je suis fortement influencé par les médias « pulp » des années 40-60. Science-fiction, fantastique, noir, thrillers d'espionnage: je les aime tous et j'ai tendance à apporter un aspect de la romance et du mélodrame de ces genres dans tout ce que je fais.

Pouvez-vous nous parler de vos rôles respectifs et de votre expérience en tant qu'illustrateurs sur le jeu Sky Team ?

Adrien : C’est grâce à Manuel Sanchez que le projet s’est si bien déroulé. Les besoins concernant les illustrations à produire étaient clairs, le travail a pu s’enchainer parfaitement grâce aux échanges réguliers que nous avions et aux nombreux cafés ingurgités ! Je me suis occupé des illustrations de « cartes postales » qui servent aux différents scénarios du jeu, celles avec les jets en mauvaise posture, vous savez ? Eh bien pour tout vous dire, dessiner des aéroplanes, c’est coton, et les mettre dans des situations délicates encore plus. Les environnements divers sont tous des lieux notables dans le monde, exigeant donc une certaine fidélité : je me souviens notamment de la carte « Rio », qui m’a fait suer bien plus que si j’avais été sous le soleil de Copacabana ! En conclusion, décollage réussi sur le projet Sky Team, ne reste plus qu’à apprécier le vol. J'ai hâte d’avoir cette magnifique boite entre les mains, et m'essayer enfin à l’atterrissage, en évitant de renverser du café partout.

Éric : J'étais responsable de la création de l'illustration de couverture pour Sky Team. L'équipe de Scorpion Masqué savait qu'elle voulait une composition de style « affiche de film » pour l'illustration de couverture, ce qui, selon moi était une excellente direction pour ce projet. J’ai décidé de mettre en avant la pilote et le copilote, représentant l'aspect coopératif du jeu, comme les « stars » de la composition, et de remplir le reste de l'espace avec des scénettes mettant en valeur l'appareil dans des positions dynamiques. Je m'inspire toujours beaucoup des affiches de Drew Struzan car il parvient à intégrer tant d'éléments dans une composition sans que cela ne paraisse complètement chaotique.

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Bonjour Luc, qui êtes-vous et quel est votre ludographie ?

Bonjour, je vis près de Dijon. Après une dizaine d’années dans la production pharmaceutique puis textile, je suis depuis 10 ans papa au foyer (6 enfants à la maison) et depuis quelques années auteur de jeux de société. On pourrait citer Farm & Furious, Splito et Fruitoplay (avec Romaric Galonnier), Miam Miam Miel, Soum Soum et d’autres jeux à l’étranger (Lavaland et Cluellage, avec David Simiand) et plein d’autres à venir.

Bonjour Manuel, pouvez-vous vous présenter ?

Bonjour, je suis Manuel, directeur de Scorpion Masqué et je vis à Montréal. Je suis né à Nice et ai découvert le Festival International des jeux de Cannes autour de la fin des années 80/début des années 90. J’y ai découvert les jeux de figurines et les jeux de société. J’ai fait des études de Beaux-arts à Toulouse et ai vécu une dizaine d’années dans la ville rose avant de partir au Québec. Je travaille avec Scorpion Masqué depuis 2015. J’ai remplacé Christian Lemay à la direction suite au rachat de la compagnie par Hachette en janvier 2021. Il continue à travailler avec nous comme consultant et je n’imagine pas signer un jeu sans son avis. Ainsi je fais de mon mieux pour porter le flambeau du Scorpion Masqué.

Pouvez-vous nous parler des intervenants impliqués dans le jeu de société Sky Team ?

Luc : Sur la partie création du jeu, quelques intervenants ont été très précieux : ce sont ceux que l’on retrouve dans les remerciements :

  • Olivier et son père Jean-Claude, ancien pilote de Concorde qui m’ont servi de référents tout au long du projet. Dès le départ, le parti pris était de créer un jeu si ce n’est réaliste, au moins immersif. Donc de traduire autant que possible la physique de vol, la check-list d’un atterrissage et les différentes spécificités des aéroports. J’ai vécu des visios passionnantes.
  • Michal, à l’époque étudiant tchèque en France qui a passé ses week-ends à la maison pendant quelques années et qui a réalisé avec moi plusieurs centaines d’atterrissages pour créer les différents scénarios du jeu.
  • Et évidemment toute l’équipe du Scorpion, que Manu va vous présenter. Au-delà de la qualité d’édition, je retiens une énorme réactivité de tous. La moindre question, suggestion, remarque est traitée très rapidement, très efficacement et très objectivement. Ce sont des conditions de travail agréables et très professionnelles.

Manuel : Je vais tenter de citer tout le monde pour que vous vous rendiez compte de l’implication nécessaire pour faire naitre un tel projet :

  • Luc bien sûr qui a une énergie folle et qui nous a proposé un projet déjà incroyablement solide dès le début.
  • Eric Hibbeler pour l’illustration de couverture et Adrien Rives pour tous les paysages des différents pays et aéroports.
  • Christian Lemay sur la gestion du studio au début du projet, le développement et la rédaction des règles.
  • Sébastien Bizos pour la Direction Artistique Graphique, le graphisme, l’UI.
  • Olivier Lamontagne, chargé de la fin du projet.
  • Joëlle Bouhnik pour un incroyable plan marketing incluant de vrais pilotes (et même carrément un héros de l’aviation québécois) et la communication.
  • Matthew Legault pour la version anglaise.
  • Émilie Coté, Simon Boisvert et Karine Tremblay pour les visuels marketing.
  • Hélène Vigneault à la gestion de la production.
  • Whatz Games (usine) pour la fabrication.
  • Chantal Quenneville pour l’export (c’est grâce à elle si le jeu est disponible dans le monde entier).
  • Arnaud Lecorvaisier pour le site Web.
  • Jordi Jansen pour le portage à venir sur Board Game Arena afin de le faire découvrir au plus grand nombre.
  • Tous les spécialistes de l’aviation pour leur aide sur l’ergonomie et le level design du jeu.
  • Et enfin moi-même pour la direction du studio, la direction artistique des illustrations et le développement.

Sky Team – Acte 1 : de l'idée au prototype

Luc : Comme souvent chez moi, l’étincelle est arrivée dans ces quelques minutes « hors du temps » de l’endormissement. Les contraintes du quotidien s’éloignent, le sommeil n’est pas encore là. Dans ces quelques minutes, l’esprit (en tout cas le mien) se libère et propose plein de choses. En pensant à mon ami Olivier, toujours la tête dans les nuages (au 1er degré) j’ai imaginé ce cockpit et plus particulièrement ce moment de l’atterrissage. Le cockpit et le gameplay de placement de dés ont tout de suite été là et ont très peu changé durant le développement. L’idée principale était de recréer cette tension de quelques minutes dans un cockpit au moment de l’atterrissage. Chaque décision est capitale. Créé pendant le premier confinement, le jeu était au départ très axé solo et notamment sur la prise de risque. Quelques mois plus tard, les premiers tests notamment avec d’autres auteurs dijonnais ont rendu évidente cette coopération à 2 joueurs qui traduit parfaitement la situation d’un cockpit où la confiance est primordiale. Il a été également naturel de cacher les dés pour éviter un effet leader.

Sky Team – Acte 2 : du prototype à l’édition

Luc : Pas de FIJ cette année-là, 2021, c’est donc à distance que le jeu s’est dévoilé. Sélectionné pour Ludinord et le Board Date, le jeu a été bien accueilli. J’avais juste avant ces 2 événements envoyé une copie outre-Atlantique et Christian (Lemay) a été très réactif. Malgré les échecs des premiers atterrissages, l’envie d’y revenir était là. On a donc pris contact pendant ses vacances et on a rapidement trouvé une direction qui nous convenait à tous les 2. (Je rédige d’ailleurs ces lignes depuis l’appartement de Christian à Montréal.) La mécanique a très peu évolué mais il y a eu de très... très... très nombreuses itérations des scénarios. Notamment pour donner au jeu une plus grande accessibilité tout en gardant une belle profondeur. Le jeu se présentait d’abord comme une campagne très linéaire avant de devenir cette boite « bac à sable » où chacun va venir piocher un scénario de son choix en fonction de la difficulté, de ses modules préférés ou de la destination proposée.

Sky Team – Acte 3 : de l’édition à la boutique

Manuel : La mécanique et le prototype proposés par Luc pour la base du jeu étaient très solides et ont peu varié durant le développement. Malgré ça, le travail d’édition autour de ce jeu a été très intense et exigeant pour toute l’équipe. Les principaux défis que nous avons dû relever étaient tous interconnectés : le niveau de difficulté des scénarios, la rédaction des règles, l’« interface » visuelle du jeu, le matériel et les coûts de production, et enfin la façon d’introduire les différents scénarios et modules. Le jeu s’est longtemps présenté sous forme de campagne linéaire dont le contenu était découvert dans des enveloppes. En plus de faire exploser le coût du jeu, nous nous sommes vite aperçus que l’hétérogénéité de niveau entre les joueurs posait un gros problème. Certains bloquaient sur le 1er scénario alors que d’autres passaient dans le jeu comme dans du beurre. Il y avait aussi un gros écart statistique entre les joueurs sur les festivals (à qui les règles étaient expliquées oralement) et ceux apprenant les règles par eux-mêmes avec la version écrite.

Quelle que soit la qualité de rédaction, ces derniers semblait avoir plus de mal à faire atterrir leur appareil à cause de la difficulté de jongler entre la gestion tactique dans le jeu et l’effort de compréhension de la mécanique générale. Nous avons repoussé la sortie de plusieurs mois pour retravailler la totalité du contenu et offrir un premier scénario de base simplifié et un livret de règles très détaillé et largement illustré couvrant uniquement la base du jeu. Une fois ce scénario d’apprentissage réussi, le jeu s’ouvre (il s’ouvre même littéralement grâce à un compartiment fermé dans la boite) sur une sorte de bac à sable dans lequel tout le monde peut évoluer à son rythme en faisant les scénarios dans l’ordre de son choix. Il ne restait plus qu’à faire connaître Sky Team au monde entier ! S’ajoute donc le travail marketing qui met en avant le jeu sous toutes ses coutures pour créer l’envie d’embarquer à bord ! Les présentations ont commencé à Essen 2022, se sont poursuivies à Cannes 2023, pour ensuite nous amener à la Gen Con en août dernier où Sky Team s’est démarqué au milieu des plus grands. Un marathon gagné par Luc, nos équipes et nos distributeurs !

Racontez-nous une anecdote marquante qui vous est arrivée durant le développement du jeu.

Luc : Le tout premier contact avec le Scorpion me reste en mémoire. Christian reçoit le prototype à Montréal, le ramène chez lui et dans la soirée m’envoie un petit mail : « Dis-moi quand on peut parler du jeu ». « Maintenant ? » « OK ! » Il était 1 h du matin ici et on a passé 2 heures à parler du jeu et de mille autres choses passionnantes.