Sophia Wagner : « J’ai souvent été la seule femme dans les réunions » — dans Helvetiq magazine nᵒ 2 (septembre 2023)

par Mathilde Spriet

source : site d’Helvetiq ; visionneuse en ligne et téléchargement en pdf : sur Adobe.com


Sophia Wagner vit en Allemagne et est autrice professionnelle de jeux de société depuis 2016. Elle a publié onze jeux, dont Mada, chez Helvetiq.

En tant que femme dans l’industrie du jeu de société, avez-vous ressenti des défis ou des obstacles particuliers à surmonter ?

Sophia Wagner : Je pense que les femmes rencontrent les mêmes obstacles que dans d’autres domaines. J’ai souvent été la seule femme dans les réunions. Et puis, beaucoup de choses se passent après les salons, autour d’un verre – ce qui n’est pas évident quand on a une famille. J’ai l’impression que beaucoup de projets se font grâce à des liens amicaux, qui sont peut-être moins faciles à construire entre une femme et un homme.

Les femmes et les hommes conçoivent-ils les jeux de société de façon différente ?

Peut-être que nous portons plus d’attention à l’émotion créée par le jeu. Je crois que, pour une femme, c’est plus amusant d’essayer de lire dans la tête de ses adversaires. On a ce besoin de partager quelque chose avec l’autre. Je pense aussi qu’on porte plus d’attention à l’esthétique d’un jeu, même si ce point est aussi culturel.

À votre avis comment l’industrie du jeu de société pourrait être plus inclusive, que ce soit envers les femmes, mais aussi toutes les minorités ?

Les illustrations sont un élément important, également en termes de représentation. La majorité des couvertures des jeux représentent uniquement des personnages masculins. Difficile, alors, de s’y identifier. Je pense que c’est quelque chose que les auteurs et autrices devraient garder en tête, afin que tout le monde puisse jouer et se sentir concerné. Aujourd’hui, les éditeurs sont beaucoup plus attentifs à cette question.

Il y a beaucoup plus d’auteurs que d’autrices. Pourquoi, à votre avis ?

J’ai l’impression qu’on retrouve un peu plus de femmes dans la création de jeux enfants, et moins dans les plus gros jeux adultes. Mais d’une façon générale, le monde du jeu est très masculin et, dans ce domaine, la plupart des experts et éditeurs sont des hommes. Lorsqu’on est l’unique femme, présenter son jeu demande un certain courage.

Quels conseils donneriez-vous à une autrice qui voudrait se lancer ?

N’attendez pas que le projet soit parfait pour le montrer. Les retours des joueurs et joueuses vous feront gagner un temps précieux pour l’améliorer. Allez dans les salons, rencontrez des professionnels… Vous avez tout à y gagner : retours, conseils, expériences, idées neuves… Les dix premiers jeux que vous créerez ne seront probablement pas publiés, et c’est normal. Cela fait partie du processus.