PhiliBulle : discussion avec Guillaume Desportes — dans Philimag nᵒ 38 (octobre 2023)

source : liste des Philimag (téléchargeables), éd. Grammes


Bonjour Guillaume, qui êtes-vous et quelle est votre ludographie ?

Bonjour ! J’ai 43 ans, papa d’un enfant de 8 ans, ludothécaire depuis 13 ans et membre du bureau des auteurs rouennais (BAR). Estimeo, mon premier jeu est sorti en 2014 : un jeu d’estimation où il fallait comparer des valeurs (la taille en mètres des lettres Hollywood est-elle plus grande ou plus petite que la longueur en cm de mon bras ?). 2014 est aussi l’année de naissance de mon fils et le début de mes protos destinés aux enfants (coïncidence ?). En 2020 est sorti Sweet Monster (Djeco), un jeu de type memory avec des tuiles double face et récemment Super Miaou chez Space Cow.

Comment créez-vous des jeux ? Parlez-nous de votre processus de création.

C’est pas complètement rodé.... Tout dépend de mon intention, certains jeux débutent d’une idée mécanique, d’une envie (certains auteurs s’imposent des contraintes, j’aime davantage parler d’envie), ou d’une thématique qui émerge après avoir vu un film, lu un album jeunesse... Je laisse mûrir l’idée un peu dans ma tête en tentant de ressentir les sensations de jeu, d’estimer si ça semble pertinent et intéressant. Je passe assez rapidement en phase de tests, c’est toujours génial quand ça reste une idée mais dès lors qu’on la pose sur le papier, on voit très vite les écueils arriver. Je teste seul avec des bouts de papier et du matériel générique, je simule un tour de jeu. Ensuite je fais tester à mon entourage proche puis j’élargis le cercle des testeurs. Je me préoccupe peu de l’esthétisme du jeu (âmes sensibles s’abstenir : j’utilise PowerPoint...), mes protos sont souvent moches mais je mets un point d’honneur à la lisibilité et la compréhension. Pour moi, un bon jeu enfant doit être intuitif sans presque aucune explication. Les enfants ont tendance à dire : « ah oui moi je connais le jeu », et je leur laisse expliquer mes protos sans qu’ils le connaissent, parfois ils visent assez juste ! Sur les phases de tests, j’observe les réactions, j’écoute les questions sur la règle, si un point n’est pas compris par la majorité des joueurs, j’essaye de le supprimer ou le changer.

Pouvez-vous nous parler de votre actualité ludique ?

Super Miaou est sorti fin août. L’intention était de réaliser une initiation au deck building pour les enfants en ayant des critères de création assez stricts : pas de texte, pas de coût directement sur les cartes, pas de point de victoire à calculer à la fin de partie et enfin garder le principe « d’épurer son deck » et avoir une légère interaction entre les joueurs. Le développement du jeu a été top, je trouve l’ergonomie idéale avec un matériel didactique et de superbes illustrations. Je suis assez fier du résultat et l’accueil du jeu a l’air assez bon.

J’ai également quatre autres jeux signés qui devraient sortir dans les trois prochaines années dont un premier en co-création avec Laetitia Loualitène (qui est aussi ma compagne...!). La grande majorité de mes créations s’oriente vers le public enfant, j’aime créer des jeux avec des choix simples mais importants. Je me fixe comme objectif de présenter au moins deux protos à chaque festival de Cannes (et éventuellement à PEL), il y a assez peu d’éditeurs consacrés aux jeux enfants et ils sont assez faciles à cibler et à rencontrer, et ce sont toujours des moments agréables.

Racontez-nous une anecdote marquante qui vous est arrivée durant le développement du jeu Super Miaou.

J’avais créé un deck building : le royaume de Lekatam (trouvez le jeu de mot.. ?). L’objectif était d’accueillir, avec des combinaisons de cartes, des membres de la famille royale : ceux-ci donnaient quand ils apparaissaient des Points de Victoire. Lorsqu’on achetait ces cartes, on devait également prendre une carte cheval... Si une carte de la famille royale et un cheval apparaissaient en même temps ils étaient supprimés du jeu. Cet élément entrainait un sentiment de suspense mais était trop punitif. J’ai donc pris le problème dans l’autre sens en le rendant positif et en étant la finalité de Super Miaou, avoir deux cartes (le chat et le cape) qui arrivent en même temps pour gagner la partie.