Discussion avec Yoann Levet

paru dans PhiliMag nᵒ 37 (septembre 2023)


Bonjour Yoann, qui êtes-vous et quel est votre ludographie ?

Bonjour, mon vrai métier est commerçant, je possède une boutique de vente et réparation d’ordinateurs depuis 25 ans que je gère avec ma femme Céline. Depuis 2012, je m'essaye à la création de jeux de société et j'ai eu la chance d'avoir mon premier jeu Myrmes récompensé par un As d'Or et un Tric Trac d'Or. Depuis j'ai sorti une dizaine de jeux, du petit jeu de logique au gros jeu de gestion en passant par les jeux de déduction que j'adore.

Comment créez-vous des jeux ? Parlez-nous de votre processus de création.

Tout commence avec une idée simple. Parfois c'est une envie de matériel, de thème, ou de mécanique, et je commence souvent par me noter des idées dans un petit carnet. La chose étrange est que je ne relis jamais ces carnets, mais cela me permet de formaliser ce que j'ai en tête. Et c'est souvent le premier filtre à ma création, une idée qui s'énonce mal est souvent une mauvaise idée. Il peut m'arriver de ruminer des choses pendant des mois voire des années avant d'en arriver à l'étape de création d'un prototype. De ce côté là, je suis très équipé puisque je possède des imprimantes 3D et une découpeuse laser, je ne m'interdit donc rien en tant que matériel et je prends souvent un grand plaisir dans cette étape de la création. Mais ce n'est que le début et il faut alors que le prototype passe les tests des vraies parties. Je n'hésite pas à faire de grosses modifs à mes jeux et il m'est même arrivé très souvent de jeter des jeux en me disant que le potentiel n'était pas assez gros. Il m'arrive également de laisser des jeux de côté pendant plusieurs mois. Je jongle alors d'un prototype à un autre, je travaille souvent en parallèle sur 4 ou 5 jeux.

Pouvez-vous nous parler de votre actualité ludique ?

Cette année (2023), j'ai de nombreux projets qui se concrétisent. Un jeu de gestion, Humanity, qui va sortir chez Bombyx en octobre qui est l'aboutissement de nombreuses années de travail. Dans ce jeu, les joueurs vont incarner des entreprises privées qui vont mener des missions scientifiques sur Titan, la plus grosse lune de Saturne, pour peut-être un jour pouvoir y déplacer l'humanité. Ce n'est pas un jeu de science fiction mais bien une œuvre d'anticipation car tout a été étudié pour coller à la réalité. Nous avons énormément travaillé l'univers du jeu et le livret de règles fait une cinquantaine de pages. Le joueur y trouvera des narrations du quotidien des astronautes sur Titan. J'ai de nombreux jeux de logique solo qui vont sortir chez différents éditeurs, notamment chez Bankiiiz et Djeco. Je suis fan de ce genre de jeu et depuis quelques années je prends plaisir à en créer. Chez Bankiiiz vous trouverez la suite de la gamme logic (Birds et Hotel) avec Candies et Jungle. Et chez Djeco, je sors pas moins de 6 jeux cette année, tous dans des genres et matériels très différents. J’ai également les petits Puzzlegends qui sont sortis chez Blue Orange.

Pour finir, en septembre, sort ArcheOlogic chez Ludonaute, un jeu de déduction au matériel incroyable. En utilisant un appareil ancestral, l'Archéoscope, vous allez devoir cartographier une cité. Vous allez devoir repositionner des polyominos sur un quadrillage en interrogeant cet Archéoscope. Après Turing Machine dont j'avais été l'instigateur des plaquettes perforées, j'explore à nouveau le concept de matériel original qui répond aux joueurs de façon complexe. Mais on est ici dans un jeu bien plus familial. Amateurs de jeux de déduction et de polyominos, ce jeu est pour vous !

Racontez-nous une anecdote marquante qui vous est arrivée durant le développement du jeu ArcheOlogic.

Au moment où j'ai montré le jeu à Ludonaute, c'était un jeu de déduction « classique ». En effet, on interrogeait les autres joueurs pour obtenir des indices sur le plan que l'on recherchait. Les défauts de ce type de jeu nous avaient alors sauté aux yeux. L'erreur de réponse d'un joueur pouvait anéantir la partie d'un autre joueur et comme chaque joueur avait son propre plan à découvrir, la sensation de course était moins présente. Cédric (le boss de Ludonaute) m'a alors demandé s'il n'était pas possible de créer un appareil qui donnait les indices aux joueurs en me parlant de la série His Dark Material (À la Croisée des mondes) et de son appareil l’Aléthiomètre. Bien sûr cela m’a complètement enthousiasmé et mon expérience Turing Machine m’a permis d’arriver très rapidement à ce qu’est l'Archéoscope aujourd’hui. C’est très étonnant mais bien que le jeu soit plus familial, les algorithmes derrière la réalisation de cet Archéoscope sont beaucoup plus complexes que ceux de Turing Machine.